Aujourd’hui, les donneurs d’ordre sont incités à acheter local mais comment relocaliser sans réelle compétitivité. C’était le thème de la dernière Journée du Dialogue Client-Fournisseur organisée par UIMM LYON. 80 participants, 20 directeurs achats, 50 fournisseurs et 10 partenaires, avaient répondu présents à cette 4ème édition. Un vrai succès compte tenu du contexte sanitaire. Nous avons rencontré 2 directeurs achats et 2 dirigeants de PMI qui partagent avec nous leur vision de l’évolution des relations client-fournisseur.

Le levier de l’achat est stratégique

Si dans les années 2000, les stratégies achat des grands groupes étaient basées sur du sourcing low cost, elles doivent être désormais revisitées. Pour Joël Terry, dirigeant du Groupe Gami : « L’heure n’est pas au retour en masse des entreprises qui ont délocalisé, la réindustrialisation de la France passe plutôt, par une politique d’achat en France et en Europe et par la volonté de trouver des fournisseurs de proximité. »

client fournisseur UIMM

Ateliers B2B de la Journée Dialogue Client-Fournisseur le 2 octobre 2020

Pour réindustrialiser le territoire, il faut acheter français. Mais la relocalisation des achats ne se fera pas sans compétitivité, essentielle pour conserver les positions de marché des donneurs d’ordre et pour préserver l’emploi sur le territoire… Deux leviers de compétitivité concrets ont fait l’objet d’échanges lors de cet évènement : les partenariats de proximité et la montée en puissance de la numérisation des échanges entre client et fournisseur.

Des partenariats de proximité qui stimulent l’innovation

La relocalisation va permettre de rapprocher les donneurs d’ordre et les sous-traitants dans le cadre de relations pérennes. La création de valeur est possible en local, s’ils explorent ensemble des solutions innovantes. « Relocaliser représente avant tout un atout en termes d’image et de notoriété. Mais la dimension purement économique n’est heureusement pas non plus à négliger : d’un point de vue logistique, relocaliser est un plus. Réduire ses coûts logistiques, les contraintes liées aux délais de livraison, est un vrai avantage. De même, travailler localement est plus simple d’un point de vue culturel et législatif.  Cette tendance pourrait bien représenter de réelles opportunités. » explique Joël Terry.

Au-delà, Jean Charles Baudry, Responsable Achats Stratégiques et Program Manager de Safety Tech du groupe Vision Systems qui fonctionne depuis longtemps en mode partenarial, explique que ces relations clients fournisseurs créent un terrain propice à l’innovation : « Sur nos 500 fournisseurs, 20 sont de vrais partenaires intégrés à nos process d’innovation et de production. Ils contribuent à apporter de la rupture et nous permettent de concevoir un produit qui n’aurait pas existé sans cette collaboration ».

Des relations partenariales gagnant-gagnant

Howden-ACS client fournisseur

Séance plénière – Howden Solyvent-Ventec et ACS Oxycoupage

Brigitte Heussi Loureiro, Directrice des achats de Howden Solyvent-Ventec est intervenue lors de la plénière pour témoigner sur un partenariat de proximité :« Notre fournisseur nous connait bien. Sans avoir de plan précis, il a construit une grille de prix qui nous a permis d’avancer très vite sur notre projet. Si nous avons bénéficié de son agilité et de sa réactivité, il a pu de son côté optimiser son process par l’exigence de notre contrat et profiter d’une augmentation de son CA et de sa volumétrie qui lui a permis d’optimiser sa productivité. »

Mais attention, rien n’est gagné pour les sous-traitants du territoire, comme le souligne David Dompnier, Président de TVI Groupe : « Il ne faut pas penser que les fournisseurs étrangers soient moins bons que nous et avec le numérique, le monde est en fait un village. »

Vision System achète au plus proche depuis quelques années déjà, mais « l’entreprise ne s’interdit pas non plus des fournisseurs mondiaux notamment pour les technologies que l’on ne trouve pas en France, principalement l’électronique ou d’autres technologies très spécifiques. Dans ce cas-là, nous essayons de travailler autant que possible avec des intermédiaires français tout en gardant le lien avec le fabricant. La crise sanitaire impacte cependant nos réflexions sur le sujet de la sécurisation de nos approvisionnements. » explique Jean Charles Baudry.

Un équilibre entre numérisation et relationnel

La numérisation des activités monte en puissance dans tous les secteurs. Elle permet de gagner du temps sur des taches répétitives et de se consacrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Pour Jean Charles Baudry, la numérisation est certes un atout, mais c’est aussi un risque : « Elle permet de traiter plus rapidement des données, mais elle ne reste qu’un outil au même titre que Word ou Excel. L’acte d’achat est associé nécessairement à du relationnel et les outils numériques utilisés à mauvais escient peuvent déshumaniser la relation. Pour les achats stratégiques ou innovants, le relationnel est indispensable. »

Brigitte Heussi Loureiro rejoint ce point de vue, pour elle « La rencontre client/fournisseur est très importante. Plus on connait les interlocuteurs, leurs besoins, leurs attentes, plus on est efficace. Mais attention aux limites de la technologie. Si les CRM sont bien maitrisés, les SRM, Supplier Relationship Management, sont plus complexes à mettre en œuvre ».

A ce sujet, David Dompnier appelle les donneurs d’ordre à élaborer des outils numériques qui tiennent compte du fonctionnement des fournisseurs : « Il y a aujourd’hui autant de systèmes que de clients. Pour le client, ça parait évident, mais ça l’est beaucoup moins du côté fournisseur »

Enfin, la numérisation peut défavoriser les TPE PME : « Mieux vaut être vigilant pour décrocher de nouveaux marchés. De plus en plus d’appels d’offre passent par des plateformes d’achat dématérialisées. Or, de nombreuses petites entreprises ne sont pas assez présentes dans ces nouveaux systèmes d’information » explique Joël TERRY

Le partage est un des enseignements forts de cette journée. Pour relever les défis de la réindustrialisation et de la relocalisation, il faut mettre les acteurs autour de la table. Ils doivent échanger, confronter leur point de vue pour chercher des solutions, construire un nouveau paradigme qui permettra de renouer avec la souveraineté.