Plus d’un mois après l’annonce du confinement et le coup de frein sur l’activité, les entreprises industrielles, les petites comme les grandes se sont adaptées pour assurer le maintien ou la reprise de leur production. L’enjeu était de mettre en place des mesures de prévention exigeantes pour protéger efficacement les salariés et instaurer la confiance indispensable avec eux. Echanges avec Elodie Gamet, DAF de l’entreprise CM, spécialisée dans la construction de camions citerne et leur maintenance.

Comment avez-vous fait face à cette crise ?

Notre grande chance, c’est d’avoir pu anticiper cette crise. Nous travaillons avec des partenaires basés en Lombardie. J’ai compris rapidement ce qui allait nous arriver. Nous n’avons pas attendu les annonces du gouvernement. Dès le 3 mars, nous avons commencé à communiquer en interne sur les mesures barrières, mis en place un dispositif d’accueil du public sécurisé et commandé du gel hydroalcoolique en grosse quantité. Lors de l’annonce de la fermeture des écoles le 12 mars, nous nous sommes préparés au confinement.

Le 15 mars, nous avons renforcé les affichages liés aux mesures de protection et instauré une règle sur la base de « plus rien ne rentre dans nos locaux ». En parallèle un communiqué a été adressé par mail à tous nos collaborateurs. Il présentait toutes les mesures juridiques et sociales, notamment pour les arrêts maladie pour gardes d’enfants de -16 ans, ainsi que toutes les mesures de prévention.

Quel niveau d’activité avez-vous pu maintenir ?

Nous avons d’abord maintenu en activité nos deux sociétés, CM et CM Maintenance, tout en stoppant les déplacements chez les clients. Mais très vite, le 19 mars nous avons été dans l’obligation de fermer CM. Nous n’avions plus de pièces ni de matière première en stock. Puis, ce n’est que le 30 mars que nous avons pu reprendre partiellement après la réouverture de certains fournisseurs…

Enfin, depuis le 20 avril, suite à la réouverture de nos principaux fournisseurs, nos ateliers fonctionnent à nouveau, même si je sais qu’on risque de se retrouver en difficulté dans les semaines qui viennent car la reprise en Italie n’est pas encore au rendez-vous et que les constructeurs de camions reprennent lentement leur activité.

Et vos collaborateurs, comment ont-ils réagi ?

Il n’y a pas eu de tension avec nos collaborateurs car notre volonté de transparence et notre niveau d’exigence étaient très hauts. Quand nous avons fermé le 19 mars, nous avons bien senti que certains étaient plus anxieux que d’autres par rapport à la maladie.  Lors de la reprise, nous avons fait revenir en priorité les moins angoissés.

Quelles sont les principales mesures que vous avez mises en place ?

Tout d’abord, pour limiter les déplacements, les salariés travaillent sur 4 jours. Les heures de départ et d’arrivée sont différées pour ne pas être plus de 2 dans les vestiaires en même temps. De même, les pauses repas sont limitées à ½ h et avec pas plus de 2 personnes. Le port de gants jetables est obligatoire sauf pour les chaudronniers bien sûr ! Nous avons remis à chaque salarié un petit flacon de gel rechargeable mais aussi des masques lavables, visières ou des cagoules pour le meulage. J’ai une maman couturière, c’est plus facile ! Bien sûr, ils ne doivent pas échanger leur matériel, ni utiliser les écrans tactiles.

Les locaux sont aérés une fois par jour et les portes doivent rester ouvertes au maximum. Ceux qui circulent avec des véhicules de société les désinfectent deux fois par jour. Et si les mesures ne sont pas appliquées, il y a sanction. En résumé, nous faisons ceintures et bretelles en nous appuyant sur la responsabilité de chacun.

Et le dialogue social ?

Il est déjà très bon à la base. Nous avons une relation de confiance avec nos salariés. Quand ils ont vu ce qui était mis en œuvre pour les protéger, ils ont été très vite rassurés. Ils ont compris qu’on ne continuait pas l’activité aux dépens de leur santé. Pour cela, nous avons pris soin de partager les informations en amont. Mais aussi en toute transparence sur l’organisation globale de l’entreprise. Si au départ certains salariés étaient sceptiques sur le fait de travailler seul sur certains postes là où ils étaient deux habituellement, au final, ils se sont rendus compte que ça se passait plutôt bien. Les salariés restent motivés et engagés comme ils le sont toujours. La productivité est au rendez-vous. Nous ressentons aujourd’hui les bénéfices du management de grande proximité que nous avons mis en place.

Le jour d‘après vous le voyez comment ?

C’est une période compliquée pour tout le monde. Pour s’en sortir, il faut faire preuve, d’adaptabilité, de flexibilité et d’agilité. Il faut lever la tête de son guidon, être à l’écoute de son réseau mais pas seulement, il faut savoir capter les signaux faibles. En même temps, je me dis que c’est une chance pour chacun d’entre nous qu’il faut savoir saisir en prenant du recul, en expérimentant de nouvelles choses, en travaillant et en communiquant différemment. Il nous faut changer de vision, de regard sur la société.

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