Aujourd’hui, le concept de qualité de vie au travail est sur toutes les lèvres. Mais qu’est-ce que ça recouvre exactement ? Comment la mettre en place ? et comment l’industrie s’en empare ? Entretien à deux voix avec un spécialiste de l’aménagement d’espaces de travail et un chef d’entreprise qui a fait évoluer son site récemment.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous nous parler du contexte actuel du monde du travail en France ?

Laurent MELINAND, Directeur Développement de PSA Aménagement : Selon des études, le taux d’engagement des salariés français pour leur entreprise a fortement diminué depuis les années 2000. Deux évènements ont bousculé l’économie mondiale, le 11 septembre puis la crise des subprimes. Il y a eu une véritable rupture de la perception des salariés de leur entreprise. Une rupture qui a été accentuée par la montée en puissance concomitante du web et des outils digitaux. Ce sont des pans entiers de notre économie qui ont été impactés en bousculant les modes de travail. On ne travaille plus aujourd’hui comme on travaillait il y a 20 ans. Les nouvelles générations n’ont plus les mêmes attentes, elles demandent à leur employeur des valeurs, une vision, un projet et un environnement de travail harmonieux.

Bernard PLASENCIA, Dirigeant du Groupe DBP Mayet : C’est certain, les ressources humaines ne se gèrent plus du tout de la même façon. Lors des recrutements, les candidats nous demandent désormais de présenter l’entreprise mais également de les convaincre de son attractivité, de leur montrer « comme elle est belle !». Ensuite, ils comparent et ils choisissent. Alors forcément en tant que chef d’entreprise, on se pose des questions sur l’attractivité !

Quels sont les facteurs déterminants du bien-être au travail ?

LM : Il faut dissocier bien-être et mieux-être. Aujourd’hui c’est le mieux-être qui est en question. Si l’entreprise doit donner du sens, elle doit aussi développer le sentiment d’appartenance des salariés, en changeant d’état d’esprit pour être plus ouverte et donner la parole à tous, y compris aux plus jeunes. C’est un vrai challenge pour les entreprises habituées à ce que les anciens transmettent leurs expertises. Ensuite l’environnement de travail est très important. Il doit être adaptable et permettre le partage en permanence. Nous passons aujourd’hui 55% de notre temps à échanger. Et puis, nous travaillons partout et dans des postures différentes. Le collaborateur doit avoir le choix et le contrôle du lieu où il va travailler et comment il va travailler.

BP : La QVT c’est un tout, une politique globale. Tout est lié, la stratégie de l’entreprise, la qualité, la sécurité, les conditions de travail, mais aussi la vie et la convivialité au sein de l’entreprise. Ce sont des moteurs de développement. Quand l’entreprise est attentive à la qualité de vie au travail, elle améliore sa performance et favorise sa croissance et en plus elle a moins de difficulté à recruter et à fidéliser. Pour nous industriels, c’est une façon de relever l’enjeu de l’attractivité.

Comment les aménagements des bureaux et des entreprises ont-ils évolué ? 

LM : Les espaces sont là pour soutenir ce nouvel état d’esprit : les matériaux, la lumière ; la colorimétrie, tout est fait pour favoriser cette nouvelle façon d’aborder le travail. Il faut non seulement des aménagements pour offrir des conditions de travail saines et ergonomiques, mais en plus favoriser l’innovation. Le nomadisme se développe et les lieux se multiplient : salles de réunion, de repos, de concentration, d’échanges, tous les espaces y compris la terrasse et la cafétéria sont autorisés et toutes les façons de travailler sont encouragées.

qualité de vie au travail

Le bon aménagement doit répondre à une stratégie d’entreprise. Ce n’est pas un pourcentage d’aménagement ouvert ou fermé qui fait un bon aménagement. Ce qui est important c’est la manière dont il sera traité. Il faut des espaces qui prennent en compte les modes de travail que les utilisateurs attendent pour collaborer, se concentrer, se régénérer, apprendre, se socialiser…. La modularité est un facteur important car elle permet l’agilité et l’évolutivité. Un aménagement modulable qui encourage à la fois la collaboration et l’intimité.

Quelle démarche pour améliorer le bien-être au travail ?

LM : Le premier conseil que nous donnons aux dirigeants qui veulent réaménager leurs bureaux, c’est d’associer leurs collaborateurs dès le début du projet. Nous proposons de réaliser un premier questionnaire pour que chacun s’exprime. Ensuite des ambassadeurs représentant l’ensemble des salariés sont nommés. Il faut prendre en compte l’ensemble des besoins des collaborateurs et aussi le fonctionnement de l’entreprise. Il est donc essentiel de rencontrer tous les services de l’entreprise, la RH, la DSI… chacun doit apporter sa pierre à l’édifice. Pour que le projet réussisse, il faut que le dirigeant, les collaborateurs et tout le middle management soient prêts.

Comment ça s’est passé pour DBP – Mayet ?

BP : Lorsque nous avons repris l’établissement lyonnais en 2013, notre priorité a été de le remettre aux normes, tant pour la partie bureaux que pour l’atelier qui était très ancien. Nous voulions améliorer les outils de production, les flux au sein de l’entreprise, la qualité de vie au travail pour fidéliser les talents et en attirer d’autres mais aussi la qualité de l’accueil. Nous sommes souvent audités par nos clients et nous voulions donner une image de modernité et d’ouverture. Côté bureaux, nous avions un plateau à aménager et aucune idée pour le faire. Nous avons fait appel à PSA Aménagement. Avec eux, nous avons réaménagé nos bureaux mais aussi de nos vestiaires, nos salles de repos et de restauration. Cette collaboration a été un choc culturel pour nous Et nous avons flashé sur leur vision des enjeux et leur façon d’imaginer les bureaux. Nous avons découvert d’autres modes de travailler. Je ne pensais pas que c’était un métier, mais PSA vend de la QVT…

Peut-on mesurer les résultats de ces réaménagements ?

BP : En termes de résultats, nos indicateurs sont aujourd’hui au vert : le turn over a fortement baissé, nous avons moins de mal à recruter mais aussi moins d’arrêt maladie. Et en plus, nos événements internes sont davantage fédérateurs, le nombre de participants a énormément augmenté au fil des années. Les chefs d’entreprise devraient tous envisager ces nouvelles approches… ils auraient tout à y gagner…

 

Chiffres clés :

Seuls 11 % des individus sont impliqués dans leur travail, à l’échelle mondiale. Ils ont 3 fois plus de chances que leurs collègues non impliqués de réussir globalement dans leur vie.

41 % de dépenses de santé en moins pour les employés qui ressentent un niveau de bien-être important, par comparaison à ceux qui connaissent de plus grandes difficultés.

19 % d’augmentation du résultat d’exploitation pour les entreprises dont les employés sont particulièrement impliqués dans leur travail.