Le Groupe Canadien Velan conçoit et fabrique des appareils de robinetterie pour le nucléaire entre autres. Avec 80% des centrales nucléaires équipées de technologies Velan, le Groupe est leader sur le marché. La filiale lyonnaise qui gère cette activité et assure la maintenance de ces équipements avec 300 salariés est pilote d’un projet qui entend mettre de l’Intelligence Artificielle au cœur des centrales nucléaires mais aussi dans tous les secteurs à fortes contraintes. Entretien avec Jérôme Champavère, son directeur du développement.

Comment est né le projet de vanne connectée ?

Photo JCH

Velan se positionne sur des marchés à fortes contraintes, le nucléaire, l’énergie, le gaz, la cryogénie… consommateurs de produits et services de très haute technicité. Les enjeux d’innovation et de R&D y sont stratégiques. En 2018, nous avons identifié avec Nuclear Valley, le Pôle de Compétitivité de la filière nucléaire française, l’opportunité de lancer un groupe de travail sur la maintenance prévisionnelle. L’idée conductrice était de faire entrer de l’intelligence dans les vannes pour optimiser les opérations de maintenance des réacteurs nucléaires, avec un objectif de sécurité et de réduction des coûts de maintenance. Les défaillances techniques peuvent entrainer l’arrêt des installations et couter très cher. Un arrêt de tranche peut comptabiliser plus de 20 000 h de travaux de maintenance en robinetterie. Monitorer les équipements permet d’anticiper, d’identifier les défaillances qui génèrent le plus de coûts, d’éviter la survenance du problème et donc l’arrêt de l’exploitation avec des gains financiers conséquents.

Ces vannes connectées peuvent-elles être utilisées par d’autres secteurs ?

Ces vannes connectées fonctionnent dans tous les milieux contraints, elles s’adaptent sur de nombreux équipements, les centrales thermiques, hydroélectriques, les sous-marins nucléaires, etc… Mais en plus, le principe est transposable sur d’autres équipements. Si ça marche sur les vannes, on peut le décliner sur les pompes, les moteurs… tous les équipements critiques d’un site de production. On est dans la logique de l’IIoT*.

Pouvez-vous nous parler du groupe de travail de ce projet ?

Les partenaires du projet « Vanne connectée » ou Vel’OCT® sont pour la plupart des acteurs régionaux avec des expertises complémentaires. Velan est le pilote opérationnel du projet, Vibratec travaille sur l’instrumentation, Predict du Groupe SNEF apporte son expertise sur l’algorithmie et le traitement des données, EAB Engineering développe des solutions de réalité virtuelle pour la formation des équipes. Il y a aussi IREIS, un laboratoire public privé expert en tribologie, la science du frottement et enfin Witekio, qui conçoit des systèmes embarqués. Nous avons tous des enjeux différents, mais ce groupement permet d’avoir une vision globale du projet, d’élargir le focus du service au-delà de la maintenance et d’y intégrer d’autres problématiques comme la formation par exemple.

Votre projet a été lauréat de France Relance, pour quelles raisons ?

Notre projet se positionne sur un marché de niche. Il y a peu d’acteurs présents tant au niveau national qu’international. Mais une concurrence de plus en plus active émerge à l’international. L’ambition de France Relance est de conserver la longueur d’avance des acteurs Français. L’enjeu est double, celui de la préservation des emplois mais aussi celui de la compétitivité. La qualité des équipements ne suffit plus, il faut aller plus loin en proposant des produits et des services plus sûrs, plus qualitatifs et plus compétitifs. L’intelligence artificielle est un facteur clé de succès.

Notre projet répondait parfaitement au cahier des charges de France relance entièrement dédié à l’innovation produit et services dans l’industrie nucléaire. Nous avons présenté le projet à la première levée du guichet en janvier 2021 et il a été retenu.

Pour mener à bout le projet, vous avez aussi fait appel à d’autres subventions c’est ça ?

Le budget du projet Vel’OCT® est de 4M€. Nous avons obtenu des subventions à hauteur de 35% grâce à différents dispositifs.  En février 2020, Nuclear Valley a labellisé le projet, démontrant l’intérêt du projet pour la filière nucléaire tout entière et permettant d’obtenir un financement public dans le cadre d’un Plan d’investissement d’avenir (PIA3) de la région Auvergne Rhône-Alpes pour la phase 1 de faisabilité de 1 M€, lancée à l’automne 2020. La phase 2 dédiée au développement du produit a été financée par France Relance.

Où en le projet aujourd’hui ?

Nous en sommes au début de la phase 2 avec la mise en place d’un démonstrateur sur une vanne d’arrêt dite de sécurité, sur laquelle il y a le plus d’enjeux et de contraintes. Ce démonstrateur fait l’objet d’une séquence en 2 temps. Une première partie chez Velan pour démontrer via des essais que les phénomènes d’usure et de défaillance sont quantifiables par des données physiques mesurables et anticipables grâce à la création d’un modèle de données, bref que la maintenance prévisionnelle est viable sur nos équipements. Puis une seconde partie dans un environnement plus représentatif, en intégrant le prototype sur les boucles d’essais du centre de recherche et développement d’EDF Les Renardières, à Fontainebleau. En parallèle, nous travaillons sur la création d’un banc de frottement autoclave chez IREIS, à Andrézieux Bouthéon, dispositif unique en France, qui permettra d’évaluer les performances d’usure et de frottement des matériaux utilisés dans nos équipements, dans des conditions de température et de pression très proches de celles observées en exploitation. Ce dispositif devrait être mis en service au premier semestre 2022 et sera rendu accessible à l’issue du projet aux autres entreprises et institutions de la filière nucléaire et des autres filières industrielles françaises.

Quelles sont les retombées attendues pour Velan ?

Notre objectif principal est la diversification de nos activités par une digitalisation de nos produits et la création d’un système centralisé rendant facilement accessible à nos clients l’ensemble de nos services (Documentation, Maintenance, Gestion des pièces détachées et outillages, formation, assistance technique). L’enjeu est de développer notre activité de service qui représente aujourd’hui 15% de notre chiffre d’affaires, en innovant notamment via la maintenance prévisionnelle, la formation basée sur la réalité virtuelle et augmentée ou l’assistance à distance qui se fera n’importe où dans le monde. Cette augmentation d’activité va nous permettre de créer 5 à 10 emplois à court terme. A 10 ans, la vanne connectée va nous ouvrir de nouveaux débouchés sur de nouveaux marchés, un développement qui devrait bénéficier à tout notre écosystème.

*Industrial Internet of Things / Internet industriel des objets

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